- « Nous ne sommes pas engagés dans une guerre de civilisation, car ces barbares n’en représentent aucune. »
- « Le terrorisme, nous le combattons partout là où des États sont menacés pour leur survie même. C’est ce qui a justifié la décision que j’avais prise d’intervenir au Mali et encore en ce moment même la présence de nos militaires au Sahel là où Boko Haram massacre, enlève, viole, tue. »
- « J’ai demandé au ministre de la Défense de saisir dès demain ses homologues européens au titre de l’article 42-7 du traité de l’Union qui prévoit que lorsqu’un État est agressé, tous les États membres doivent lui apporter solidarité face à cette agression car l’ennemi n’est pas un ennemi de la France, c’est un ennemi de l’Europe. »
- « J’ai donné l’ordre à dix chasseurs-bombardiers français de larguer leurs bombes sur le fief de Daech à Raqqa. »
- « J’estime en conscience que nous devons faire évoluer notre Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir, conformément à l’état de droit, contre le terrorisme de guerre. »
- « Car nous avons prolongé, vous allez prolonger l’état d’urgence au-delà des 12 jours pour trois mois mais après l’état d’urgence, nous devons être pleinement dans un état de droit pour lutter contre le terrorisme. »
- « Dans ma détermination à combattre le terrorisme, je veux que la France puisse rester elle-même. »
Passons sur l’usage du vocable « civilisation ». Sans tomber dans le relativisme culturel et même en ayant en tête que l’Occident, malgré ses limites, c’est l’égalité hommes-femmes, la presque toujours liberté d’expression ou la rule of law, on peut parier sur le fait que les barbares de l’État Islamique en Irak et au Levant, ou, en tout cas, leurs dirigeants se considèrent comme une civilisation eux-aussi, et supérieurs à nous.
Non, ce qui est frappant, c’est ce mélange de propositions liberticides et de propos contradictoires.
Commençons par les contradictions : Hollande dit qu’il veut que nos partenaires européens se montrent solidaires de la France, militairement parlant, mais il décide seul, sans consulter Federica Mogherini, la ministre européenne des Affaires extérieures, de l’envoi d’avions et de porte-avions en Syrie. Ou alors, il critique la décision de certains pays de rétablir leurs frontières, alors que lui-même le fait.
Quant aux mesures liberticides : nous n’avons que l’embarras du choix. D’abord, notons la contradiction du Parti Socialiste qui nous explique, par la voix de Jean-Jacques Urvoas, que, le 13 novembre, la Loi Renseignement liberticide n’est pas encore totalement appliquée car les décrets n’ont pas été publiés. Pourtant, ce même Urvoas, il y a quelques mois, disait que la Loi Renseignement ne faisait que légaliser des pratiques déjà existantes.
Désormais, Hollande veut aller plus loin encore, comme si la réponse au déficit de sécurité résidait dans plus d’État, plus de police, plus de surveillance. Jamais il ne se dit que plus d’implication individuelle dans la protection de chacun, notamment par le biais du port d’armes, pourrait constituer une réponse. Le débat est tabou. Pourtant, chacun peut comprendre que, d’une part, seul un individu armé peut arrêter une personne équipée d’une Kalachnikov, et que, d’autre part, il n’y aura jamais assez de policiers pour surveiller toutes les salles de concert, tous les cafés, toutes les églises, toutes les synagogues, tous les stades.
En ce qui concerne l’état d’urgence, posons-nous simplement la question de savoir si, suite aux événements du 11 mars 2004 à Madrid ou au 7 juillet 2005 à Londres, nos voisins ont adopté des mesures similaires. Pourquoi, au moment où les américains reviennent sur le Patriot Act, faut-il que nous nous engagions sur cette voie ?
Hollande, depuis vendredi, a décidé de s’en tenir à l’adoption de cette rhétorique guerrière qu’il arbore depuis quelques mois. Tous les Français ne sont pas d’accord avec l’idée que la lutte contre le terrorisme soit une guerre.
On peut même, à l’instar de l’écrivain David Van Reybrouck, se dire « Monsieur le Président, vous êtes tombé dans le piège ! ».
Au vu de tous ces éléments, une question demeure, en ce qui concerne cet état d’urgence : jusqu’où aller trop loin ?